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Les 5 principes de base
On dit souvent que le goût est une affaire de subjectivité. En fait, c’est plutôt une question de culture, d’apprentissage et d’expérience. L’association du vin avec les mets correspond ainsi, comme toute association de saveurs et d’arômes réalisées dans un plat, à de véritables principes d’harmonie. Rares sont néanmoins ceux qui les maîtrisent alors même qu’ils devraient constituer les bases fondamentales de la gastronomie française et européenne, où le vin a toujours été le compagnon naturel des mets. En matière d’accords mets et vins, ont peut édicter cinq principes, qui sont les leçons des longues séances d’un savoureux travail effectué sur le sujet avec le chef Alain Senderens, assurément notre maître à penser en la matière :
1
Les accords entre les mets et les vins ne sont jamais définitifs

Si les matières premières servant à la confection d'un plat ne sont pas toujours semblables tout au long de l'année, même provenant des meilleurs fournisseurs, ce sont surtout les vins qui "bougent". En évoluant, leur bouquet aromatique va du fruit ou de sensations florales vers des notes plus tertiaires qui évoqueront, par exemple, la terre, un sous-bois capiteux après une pluie matinale ou de franches notes de gibier. La perception de la constitution du vin va changer parallèlement à l'évolution des arômes. Avec le temps, les tannins d'un vin rouge vont s'affiner, le boisé d'un vin élevé en fût va lentement s'estomper, le sucre résiduel d'un blanc d'Alsace va disparaître. Les accords parfaits sont donc perpétuellement à remettre en cause. Il faut, malgré tout, à un moment donné, pour comprendre "comment et pourquoi cela a marché", les fixer afin de pouvoir explorer de nouvelles pistes et actualiser les accords parfaits.

2
L'harmonie n'est pas seulement aromatique

En matière d'accords entre mets et vins, on se laisse trop souvent mener par le bout du nez et l'harmonie aromatique. S'il y a du cassis dans une sauce, on suggérera de servir un bourgogne dans lequel on retrouvera les mêmes notes aromatiques. On ne fait ainsi qu'empiler des couches d'arômes et cela reste vain.

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Les grands accords sont des accords tactiles, de volume et de densité en bouche.

Un gourmet trouvera normal de parler de la texture d'un plat, le décrivant comme sec ou onctueux, différenciant le croquant et le croustillant. Un amateur de vin analysera, lui, la texture des tannins ou la colonne vertébrale acide. Le cuisinier doit procéder de même pour faire communier verre et assiette, utilisant les indices de texture, de volume et de structure du vin. Pas de panique, l'exercice est moins compliqué qu'il n'y paraît!

4
La plupart des accords sont des accords de complémentarité : qui se ressemble s'assemble...

Certains accords s'imposent tout naturellement : la texture serrée d'un jambon d'York braisé fait bon ménage avec la soyeuse fermeté d'un chablis. À chaque fois, c'est votre palais que vous devrez interroger avant de consulter votre livre de cave.

5
Mais il y a aussi des accords d'opposition !

Plat et vin doivent pouvoir se retrouver en pays de connaissance mais aussi jouer sur des oppositions. Il peut en effet suffire de modifier un plat avec une sauce crémée pour voir un vin sec et minéral frétiller devant son double inversé. C'est l'unité des contraires : la crème allonge le vin, le poussant à se révéler.

Lorsque l'on a dans l'assiette le même volume, la même densité que dans le vin, on a bâti de solides fondations sur lesquelles on peut ensuite affiner l'accord aromatique. Tel est le rêve de tout cuisinier soucieux du vin : trouver un accord de texture et de structure et une palette aromatique qui permettent de multiplier la complexité des saveurs du plat. Par exemple, le chinon jeune est un vin chaste, bien différent du folklore rabelaisien qu'on lui prête. En dégustation pure, il paraît droit et grave, un peu corseté. Mais, à table, en bonne compagnie (celle des abats par exemple), il s'ébroue, cherche parfois à tirer la nappe à lui. On découvre alors, presque mystérieusement, les principes de la véritable gastronomie : la table anoblit le vin.

Si l'élément principal doit fournir l'accord de texture, c'est aussi la garniture qui fait le plat, arbitre entre différents vins, joue les entremetteurs, assure la cohésion de l'ensemble, amplifie et prolonge les vins. Certaines garnitures peuvent casser un accord : des haricots verts croquants font ressortir les tannins, les purées engluent souvent les vins, les champignons récusent les vins jeunes, les sauces font ressortir le boisé, une sauce au basilic s'avère trop exubérante. Enfin, n'oubliez pas non plus que l'ordonnancement du repas joue. Chaque plat, chaque vin, ne peut s'isoler du précédent. Il doit se choisir dans le profil du repas, son environnement et l'enchaînement des mets et des vins. Il y a un avant et un après chaque service.